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Créations Castille
22 avril 2011

Vendredi saint

VENDREDI SAINT

Célébration de la Passion du Seigneur

Is 52, 13-53, 12 : He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18, 1 - 19, 42

Avant d’aborder les textes bibliques, j’ouvre le journal. On y parle régulièrement de procès et de condamnations. Et ce n’est pas nécessairement le triomphe de la justice. Car il y a des procès injustes et des procès bidons. Il peut y avoir des condamnations scandaleuses et des exécutions qui le sont tout autant. Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes sont emprisonnés, torturés, pour avoir dénoncé quelque injustice, déplu à leur hiérarchie, pris la défense des plus faibles, réclamé la paix. Et même, à plus petite échelle, comme le rappelle le missel Emmaüs, "chaque jour dans le monde, l’amour est écrasé... Et la plainte du Christ abandonné se perpétue".

Mais nous devons pouvoir reconnaître que dans l’ordinaire quotidien, il nous arrive aussi de participer à ce drame de l’injustice et de la violence, parfois comme victimes, parfois aussi comme complices. A cause de nos exigences ou de nos actes, de nos peurs ou de nos lâchetés, de nos ignorances, et même d’ignorances coupables.

La condamnation de Jésus et son calvaire peuvent nous surprendre et nous sommes persuadés qu’ayant été là, nous aurions pris sa défense plutôt que de hurler avec des loups. En sommes-nous tellement sûrs ? Bon nombre de pieux pharisiens de l’époque, dont l’orgueil avait été blessé par Jésus, ont trouvé leur revanche en se mettant du côté des accusateurs. Bien des membres de la hiérarchie du Temple ont saisi l’occasion de réimposer leur autorité qu’ils affirmaient appuyée sur celle de Dieu lui-même. Le peuple aussi a tourné casaque, déçu de ne pas avoir été libéré du joug des Romains par le nouveau prophète de Nazareth. Même les disciples les plus proches, les plus intimes, ont flanché jusqu’à abandonner leur Maître. Et Simon, surnommé le Roc, s’est révélé n’être que du sable. La peur l’a transformé en renégat... N’allons pas lui jeter la pierre.

Nous devons songer à tout cela très concrètement, très humblement, en contemplant le chemin parcouru par le Christ, depuis son arrestation jusqu’à sa mort sur la croix.

Les deux premières lectures de la liturgie de la Parole du vendredi saint ont été particulièrement bien choisies pour préparer à entendre la Passion selon saint Jean. Il faut les garder à l’esprit durant la proclamation de cet évangile.

En lisant ou écoutant le récit de la Passion, nous nous posons inévitablement bien des questions. N’est-ce pas étonnant de voir tant d’hommes et de femmes, des prêtres et des laïcs, laisser Jésus seul, le laisser tomber ? Et cependant, ils l’avaient vu, ils l’avaient entendu, ils avaient été témoins de sa bonté, de sa sollicitude, de son amour de Dieu, de son sens de la prière, de sa volonté d’amour universel. Et malgré cela, ou peut-être à cause de tout cela, ils se sont ligués pour le faire taire. Peut-être pour ne plus entendre les reproches de sa voix et de son témoignage. Tout comme aujourd’hui, nous pouvons trouver l’évangile déroutant, exigeant, révolutionnaire. N’est-ce pas un peu trop idéaliste ? Le Bon Dieu en demande-t-il autant ?

Il peut donc nous arriver à nous aussi, prêtres ou laïcs, croyants, pratiquants convaincus, d’être du côté de la foule qui crie, qui condamne, qui laisse le Christ seul. Aujourd’hui, en effet, d’une manière ou d’une autre, le Christ continue à être soupçonné, frappé, arrêté, crucifié.

Evidemment, nous sommes trop polis, trop bien élevés, pour lancer au crucifié des injures ou des crachats ! Il est des trahisons et des fuites plus discrètes et tout aussi graves. Rappelons-nous le courage de Pierre face à ceux qui l’interrogeaient. Et cette fuite habile, spontanée. Nous l’entendons très bien quand nous pourrions dire nous aussi : "Mademoiselle, vous n’y pensez pas... Cet homme-là, non seulement je ne le connais pas, mais je ne l’ai jamais vu !". Et nous pouvons nous imaginer la sincérité de cet homme et la force de son affirmation pour échapper au soupçon, à la critique, aux souffrances, à la mort peut-être.

Dans notre vie ordinaire, moins secouée sans doute que celle des apôtres, il nous arrive probablement de fuir Jésus Christ, de nous débarrasser habilement et poliment de nos responsabilités, ou d’une manière ou d’une autre de nous laver les mains. Nous n’avons sans doute pas de sang sur les mains. Mais il n’est pas exclu, comme au temps du Christ, que nous nous retrouvions du côté de ceux et celles qui fuient, qui s’éloignent, qui condamnent, et par conséquent, qui re-crucifient Jésus Christ aujourd’hui.

Le Seigneur nous attend ce soir, non pas pour nous condamner ni nous faire des reproches violents... Il nous attend pour nous pardonner et nous envoyer, peut-être comme des brebis au milieu des loups, pour oser prendre des risques, pour prendre au sérieux son évangile. Il nous envoie comme lumière pour éclairer le monde, comme levain dans la pâte. Dans nos pays, nous ne risquons guère d’être arrêtés ni envoyés à la chaise électrique. Mais il y a d’autres épreuves qui peuvent nous attendre. Ne fût-ce que la critique ou le sourire entendu. Et tous les risques, petits et grands, de tout qui veut assumer une vocation, et donc un engagement de service. C'est dans le service que notre foi prend vraiment forme concrète.

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