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Créations Castille
19 avril 2013

IREEL...car il n'est que l'espérance...


Vu sur le Salon Beige  mais aussi entendu par d'autres veilleurs qui me sont proches : 

Témoignage d'un veilleur :

 Et maintenant, par quels moyens ? » En effet, « par quels moyens pourrions-nous faire comprendre au gouvernement l’iniquité de cette loi ?» C’est une question que je me suis longuement posée, comme beaucoup d’autres je crois. Certains choisissent de hausser la voix, d’autres ont choisi de cesser de parler, d’être, et de se taire. J’ai découvert jeudi dans la journée ce qu’avaient fait les Veilleurs le soir précédent. Le concept m’a parlé, ce jeudi soir, je les avais rejoints. 30 ans, marié, papa, cadre, parisien, ma vie facile ne m’a jamais donné la (mal- ?)chance de vivre quelques heures dans une situation à ce point irréelle. De voir comme 300 jeunes (apparemment, j’en fait encore partie) peuvent témoigner de leur attachement aux choses simples qui font ce qu’ils sont dans un cadre si paisible, et de sentir autour, la meute qui se prépare…

D’écouter les douces paroles d’Aragon, « Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas » au son trop faible du mégaphone, et de se retourner attiré par les lueurs des gyrophares, et de constater que 10 camionnettes de plus sont arrivées. Irréel.

De se serrer un peu plus contre son voisin qui a un peu froid, et de se dire qu’au moment où les gendarmes viendront, mieux vaudra être proche des autres. Irréel.

D’entendre tour à tour le président de l’association des musulmans de Versailles, l’Abbé Grosjean, ou Monseigneur Rey, nous parler de la paix, de la lumière et du silence, tout en lisant sur nos smartphones qu’à l’Assemblée Nationale, on parle des débordements de haine dans les rues… Irréel.

De voir l’horizon s’obscurcir, parce que les armures, casques, matraques et boucliers nous empêchent désormais de voir le pont Alexandre III ou le si beau Hôtel des Invalides, alors que doucement, nous chantons, « lorsque le soir se fait sombre, j’entends le petit oiseau… ». Irréel.

De se redresser un peu pour compter combien nous sommes, « encore au moins 250, ils ne pourront rien faire », de compter les CRS qui ont avancé de quelques mètres pour augmenter la pression psychologique, et qu’ils sont désormais épaule contre épaule. Irréel.

De voir un policier prendre un mégaphone vers 23h30 pour demander la dispersion, mais brusquement chacun augmente un peu le volume sonore de son chant, et il se retrouve entièrement couvert par notre voix qui « gazouillait la haut dans l’ombre, sur sa branche au bord de l’eau ». Il s’arrête de parler, le volume retombe instantanément au murmure. Irréel.

De voir ce même policier tellement outré par ce calme et ce fredonnement qu’il se met à marcher au plus près du groupe, en actionnant la sirène du mégaphone, arme bien plus puissante que les matraques contre nous à ce moment… et dire qu’après 22h, quand on voit la police, c’est en général pour demander de baisser le bruit au cours de soirées diverses… Irréel.

De voir tout d’un coup les interpellations commencer. Et les gendarmes lever un à un les Veilleurs, pour les emmener dans le bus garé à côté. Certains se font porter, d’autres ne leur donnent pas cette peine, se lèvent, marchent et embarquent de leur plein gré.  Irréel.

De s’interroger lorsque 70 interpellations plus tard, le mouvement s’arrête, le car est plein, et que les gendarmes se demandent bien où ils pourront trouver les 5 cars nécessaires à embarquer ce qu’il reste… Irréel.

D’entendre l’interlocuteur du chef de dispositif, à l’autre bout du fil, hurler à la radio dont le volume est encore réglé en mode « manif », « Mais je ne veux rien savoir, dégagez les de là, c’est tout ! ». Oui bah… ça va pas être si simple. Irréel.

Et c’est là, c’est là que nous avons gagné.

C’est là, où un ordre passe : les CRS retirent leur casque, et passent leur calot. Ils ne pourront pas embarquer tout le monde, même si tous les moyens sont là, ces moyens ne sont pas suffisants. Qu’il y a des limites à l’absurdité, et qu’il faut bien se demander comment les commissariats parisiens gèreraient cette nuit 300 gardés à vus pour des motifs politiques, alors qu’il faut quand même garder des cellules pour ceux qui les méritent vraiment. Que finalement, on va les raccompagner au métro, et que les derniers quitteront la pelouse, de leur plein gré à 00h30, comme ils l’avaient décidé en arrivant.

Quand ils disent « raccompagner au métro », c’est un couloir de deux lignes de gendarmes mobiles en armure espacés de deux mètres les uns des autres formant une haie d’honneur partant de la pelouse opposée, jusque à la bouche de métro. Dans ce couloir semblable à celui que les rugbymen font aux joueurs adverses en fin de match, les jeunes filles en ballerine et les garçons en converse avancent jusque à l’entrée du souterrain, en leur disant : « Merci… et à demain… »

150 mercredi, ils n’ont pas pris la mesure de cette force du silence. 300 jeudi, c’est déjà trop tard. Vendredi ? A ce soir. Pour que l’Irréel cède sa place au réel. Pour de bon."

 

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